Elaboration du PLU et communication des documents préparatoires (CE, 11 juillet 2016, n°381016)

stickman paper table test contract redPar  Maître Lou DELDIQUE (Green Law Avocats)

Une récente décision du Conseil d’Etat (CE, 11 juillet 2016, n°381016, consultable ici) apporte d’intéressantes précisions sur le caractère communicable des documents relatifs à l’élaboration d’un PLU.

 

Rappelons en effet qu’en vertu de la loi du 17 juillet 1978 (aujourd’hui codifiée aux articles L. 300-1 et s. du Code des relations entre le public et l’administration), les administrations sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande.

 

Ce droit à communication ne s’applique toutefois pas aux documents préparatoires à une décision administrative tant qu’elle est en cours d’élaboration (Code des relations entre le public et l’administration, art. L. 311-2).

 

Aussi, la personne qui souhaite prendre connaissance des documents pris pour l’élaboration d’un PLU (le plus souvent dans la perspective d’un recours contre celui-ci) doit attendre qu’il ait été approuvé par le Conseil municipal pour en demander communication (Avis CADA, 2 avr. 2009, n° 2009/1169).

 

Précisons toutefois que bon nombre de documents sont accessibles au public dans le cadre de l’enquête publique, et que ceux qui comportent des informations relatives à l’environnement sont communicables dès qu’ils sont achevés, en application des articles L. 124-1 et suivants du code de l’environnement.

 

La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) a ainsi déjà eu l’occasion de préciser à plusieurs reprises que l’exception du caractère préparatoire prévue par l’article L. 311-2 du Code des relations entre le public et l’administration (ancien article 2 de la Loi du 17 juillet 1978) n’est pas opposable aux demandes de communication qui portent sur des informations relatives à l’environnement  (Avis CADA, 15 janvier 2009, n° 2009/0234; Avis CADA,  28 septembre 2006, n°2006/4264), et il a notamment été jugé qu’une étude environnementale réalisée dans le cadre de l’élaboration d’un PLU doit être communiquée sans attendre l’enquête publique (Avis CADA, 20 septembre 2007, n° 2007/3543).

 

En l’espèce, le requérant avait sollicité la communication de plusieurs documents relatifs à l’élaboration d’un PLU. La commune n’ayant que partiellement fait droit à cette demande en dépit d’un avis favorable de la CADA, il avait alors demandé au Tribunal administratif de Toulon d’enjoindre au Maire de lui transmettre les documents manquants (à savoir les justificatifs de publication dans le presse de délibérations du Conseil municipal).

 

Le Tribunal avait donné raison au requérant et enjoint au Maire de transmettre les justificatifs de publication d’une partie des délibérations. Le jugement relevait en effet que l’un des justificatifs demandés ne figurait pas sur la liste soumise à la CADA, ce qui rendait cette demande irrecevable (voir en ce sens : CAA Versailles, 09 juin 2015, n°13VE03317 ; CAA Bordeaux, 18 novembre 2014, n°13BX00245 ; CAA Versailles, 09 novembre 2010, n°09VE02445).

 

Le Conseil d’Etat censure toutefois cette appréciation.

 

Ainsi, d’une part, il constate que certains des justificatifs demandés avaient en réalité été annexés au mémoire en défense de la commune : dans ces conditions, la demande de communication n’avait plus lieu d’être et Tribunal aurait dû prononcer un non-lieu (voir en ce sens : CE, 17 janvier 1986, MINEFI c/ SA Dumons et CE, idem, MINEFI c/ Société Chanel).

 

D’autre part, il estime que la demande afférente au dernier justificatif n’était pas irrecevable, car la demande présentée à la CADA devait être regardée comme « portant nécessairement sur les justificatifs de publication de la délibération en cause » :

 

« M.A…, qui n’a pas introduit, dans le délai de recours, de pourvoi contre le jugement du 6 mars 2014 du tribunal administratif de Toulon, se pourvoit, à titre incident, contre ce jugement en tant qu’il a déclaré irrecevable, pour défaut de saisine préalable de la commission d’accès aux documents administratifs, la demande de communication des justificatifs de publication de la délibération du 26 mars 2009. Ces conclusions, qui ne soulèvent pas un litige distinct de celui soulevé par le pourvoi de la commune de La Crau, sont recevables. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et en particulier du mémoire présenté par M. A…en première instance, que la demande qu’il a présentée à la commission d’accès aux documents administratifs doit être regardée comme portant nécessairement sur les justificatifs de publication de la délibération du 26 mars 2009. Il suit de là que M. A…est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à l’annulation du refus de communiquer les justificatifs de publication de la délibération du 26 mars 2009. […]

 

Ainsi qu’il a été dit au point 6 de la présente décision, les conclusions tendant à l’annulation du refus de communiquer les justificatifs de publication de la délibération du 26 mars 2009 sont recevables. Il s’agit de documents administratifs. Dès lors que rien ne fait obstacle à leur communication, M. A…est fondé à demander l’annulation de la décision de refus qui a été opposée à sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’enjoindre au maire de la commune de La Crau de transmettre à M. A…les justificatifs de publication de la délibération du 26 mars 2009, dans un délai de deux mois à compter de la présente décision. »

 

 

Le Conseil d’Etat fait donc ici une interprétation relativement souple des règles de recevabilité. Mais cette solution est surtout pragmatique, car elle évite à l’administré de devoir réitérer sa demande, puis de saisir à nouveau la CADA.