Droit pénal de l’urbanisme : la Cour de Cassation précise les conditions de recevabilité de la constitution de partie civile d’une commune

AbrissbirnePar Maître Lou DELDIQUE

(Green Law Avocat)

Par un arrêt du 16 juin 2015 (consultable ici), la chambre criminelle de la Cour de cassation précise les conditions dans lesquelles une commune peut se constituer partie civile en matière d’infractions d’urbanisme.

Rappelons en effet que le code de l’urbanisme comprend un titre consacré aux sanctions pénales encourues en cas d’infractions d’urbanisme (CU, art. L. 480-1 et suivants) : ces infractions sont de nature diverse (exécution de travaux sans autorisation ou en méconnaissance de l’autorisation obtenue, violation des règles d’urbanisme…), et s’il appartient à l’autorité administrative de les constater par procès-verbal, seul le ministère public est compétent pour exercer les poursuites (CU, art. L. 480-1).

Toutefois, la commune sur le territoire de laquelle l’infraction a été commise peut aussi, en application de l’article L. 480-1, alinéa 6, se constituer partie civile par voie d’intervention ou mettre en mouvement l’action publique par voie de citation directe (Cass. crim., 10 mai 2000, n° 99-83.023).

Cette action est d’ailleurs également ouverte aux tiers lésés par l’infraction (Cass. crim., 17 janv. 1984, n° 81-92.858), ainsi qu’aux associations agréées de protection de l’environnement, à condition qu’elles justifient de l’existence d’un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre (CU, art. L.480-1, al. 5 ; Cass. crim., 1er déc. 1981, n° 81-90.898 : Bull. crim., n° 316 ; Cass. crim., 9 avr. 2002, n° 01-81.142, n° 2264; Cass. crim., 12 sept. 2006, n° 05-86.958, n° 4846).

S’agissant de la commune, le juge judiciaire avait déjà reconnu que la recevabilité de l’action civile n’est pas conditionnée par l’existence d’un préjudice personnel et direct (Cass. crim., 9 avr. 2002, n° 01-82.687, n° 2262), ce qui signifie qu’elle bénéficie d’une présomption d’intérêt à agir.

L’arrêt commenté précise qu’il est néanmoins nécessaire de démontrer que le maire a qualité à agir au nom de la commune.

A cet égard, la Cour rappelle que le maire ne peut agir en justice qu’après en avoir été chargé par une « délibération spéciale du conseil municipal ». En effet, si le Conseil municipal est normalement compétent pour décider d’ester en justice, le 16° de l’article L. 2122-22 du CGCT lui permet de déléguer ce pouvoir au maire (sur les conditions de mise en œuvre d’une telle délégation, voir CE, 5 déc. 2005, n°270948 ; CE, 12 mars 1975, Cne de Loges-Margueron: Lebon 186; Dr. adm. 1975, n°115 ; CE, 2 févr. 2000, n°117920 ; CE, 15 juin 1994, n°137690 ; CE 6 déc. 1989, n° 75991).

Pour ce motif, la Haute juridiction casse l’arrêt de la Cour d’appel de Pau, qui avait fait droit à la demande de réparation civile d’une commune, sans rechercher si le maire avait été habilité à agir en justice :

« Vu les articles L. 2122-22,16°, L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu qu’il résulte des deux premiers de ces textes que le maire ne peut exercer l’action civile au nom de la commune qu’après en avoir été chargé par une délibération spéciale du conseil municipal ; […]
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme X… a été poursuivie pour avoir réalisé des travaux sur construction existante sans permis et infraction au plan d’urbanisme ; que, devant le tribunal, la commune de Cambo-les-Bains s’est constituée partie civile et a demandé que soit ordonnée la démolition ou la remise en état des lieux en application de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme ; que les premiers juges ayant déclaré la prévenue coupable sans se prononcer sur ces demandes, la commune a seule interjeté appel ;
Attendu que, pour déclarer recevables les demandes formées par la commune de Cambo-les-bains, l’arrêt attaqué énonce que l’appel relevé dans la forme et les délais requis par la loi est régulier ;
Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme elle y était invitée , le maire de la commune avait été habilité à agir en justice , la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ; »

Notons enfin que si la légalité de la délibération du Conseil municipal était contestée, le litige relèverait de la compétence du juge judiciaire (et non du juge administratif) dans la mesure où il a déjà été jugé qu’une telle délibération n’est pas détachable de la procédure pénale engagée (CE, 4 juill. 2001, n° 213990 ; CAA Marseille, 18 déc. 2009, n° 07MA04188).