Déchets: les critères de sortie du statut de déchet applicables aux objets et aux produits chimiques (Arrêté du 20 déc.2018)

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Par Me Yann BORREL – Avocat of counsel (yann.borrel@green-law-avocat.fr)

Publié au Journal officiel le 20 décembre 2018, un arrêté ministériel fixe les critères de sortie du statut de déchet pour les objets et les produits chimiques ayant fait l’objet d’une préparation en vue de la réutilisation (NOR: TREP1833762A, JORF n°0294).

Rappelons, à titre liminaire, que certains déchets peuvent sortir du statut de déchet à l’occasion de leur passage par une installation de traitement de déchet, lorsque cette possibilité est prévue dans un règlement européen ou un arrêté ministériel spécifiques à ce type de déchets, et si l’intégralité des critères fixés par le règlement européen ou l’arrêté ministériel sont respectés. On parle alors de sortie « explicite » du statut de déchet (cf. Avis aux exploitants d’installations de traitement de déchets et aux exploitants d’installations de production utilisant des déchets en substitution de matières premières, NOR : DEVP1600319V, JORF n°0010, 13 janvier 2016 texte n° 106).

Au cas présent, le ministre chargé de l’environnement s’est saisi de la compétence pour définir des critères de sortie du statut de déchet applicables aux objets et produits chimiques, comme il a la possibilité de le faire en l’absence de définition par les institutions de l’Union européenne de critères en la matière (cf. Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, 19 novembre 2008, art. 6 ; C. env., art. D. 541-12-5).

Ces critères nationaux de sortie du statut de déchet n’en doivent pas moins respecter l’ensemble des conditions énumérées par l’article 6 de la directive « cadre » déchets (Directive 2008/98/CE, préc.) et transposées à l’article L. 541-4-3 du code l’environnement. Si la directive UE n° 2018/851 du 30 mai 2018 (JOUE n° L 150 du 14 juin 2018) a modifié ces conditions, le législateur français n’a pas encore opéré la transposition de ladite directive, le délai de transposition expirant le 5 juillet 2020. Il s’ensuit que les critères définis par l’arrêté ministériel du 11 décembre 2018 sont supposés conformes aux conditions qui sont énumérées à l’article L. 541-4-3 du code de l’environnement en vigueur.

Au demeurant, l’arrêté est applicable à tout exploitant d’une « installation réalisant une préparation en vue de la réutilisation » sans préciser si cette installation doit être soumise à la législation des installations classées pour la protection de l’environnement et le cas échéant, la (ou les) rubrique(s) de classement de cette installation.

En l’état et tant que le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français n’aura pas été définitivement adopté et promulgué en supprimant la condition à la sortie du statut de déchet qui tient à l’obligation de traitement dans une I.C.P.E ou une I.O.T.A (projet de loi n°1389, art. 15 ; Sénat, Rapport n° 96, 30 octobre 2018, p.125-132), il nous semble qu’il faille considérer, par précaution, que seuls les exploitants des installations de traitement de déchets figurant aux codes 27XX de la nomenclature des I.C.P.E sont autorisés à faire sortir les objets et produits chimiques du statut de déchet (cf. Avis NOR : DEVP1600319V, op. cit. ; C. env. , art. L. 541-4-3). Sont tout particulièrement visées les installations inscrites aux rubriques n° 2711, n° 2713, n° 2714 et n° 2716 de la nomenclature.

Par ailleurs, l’arrêté commenté prévoit que pour pouvoir faire sortir des objets et produits chimiques du statut de déchet, les critères cumulatifs doivent être satisfaits en ce qui concerne :

– la liste des déchets acceptés dans la préparation en vue de de la réutilisation (1°),

– le mode de traitement du déchet lors de la préparation en vue de la réutilisation (2°),

– la qualité des objets et des produits issus de la préparation en vue de la réutilisation (3°),

– la cessions des objets et des produits chimiques issus de la préparation en vue de la réutilisation (4°).

  • 1°.   La liste des déchets acceptés dans la préparation en vue de de la réutilisation

Les seuls déchets acceptés dans le processus de préparation en vue de la réutilisation sont les suivants (arrêté, NOR : TREP1833762A op.cit., art. 2 a) et annexe I, 1.1) :

–      les cartouches d’impression couvertes par l’un des codes déchets suivants : 08 03 12*, 08 03 13, 08 03 17*, 08 03 18, ou 16 02 16 ;

–      des emballages couverts par l’un des codes déchets suivants : 15 01 01, 15 01 02, 15 01 03, 15 01 04, 15 01 05, 15 01 06, 15 01 07 ou 15 01 09, 15 01 10* ;

–      des conteneurs à pression vides couverts par le code déchet 15 01 11* ;

–      des pneumatiques couverts par le code déchet 16 01 03 ;

–      des déchets d’équipements électriques et électroniques couverts par l’un des codes déchets suivants : 16 02 13*, 16 02 14, 20 01 35*, 20 01 36, ou 20 03 07 ;

–      des gaz en récipients à pression et produits chimiques mis au rebut couverts par l’un des codes déchets suivants : 16 05 04*, 16 05 05, 16 05 06*, 16 05 07*, 16 05 08*, ou 16 05 09 ;

–      des textiles couverts par l’un des codes déchets suivants : 19 12 08, 20 01 10 ou 20 01 11 ;

–      des éléments d’ameublement couverts par le code déchet 20 03 07.

 

L’arrêté ministériel est, de ce point, important, en ce qu’il permet la sortie du statut de déchets d’une grande variété de déchets dans des domaines divers (cartouches, pneumatiques, textiles etc.).

Par ailleurs, ces déchets ne devront pas contenir d’amiante ou de polluants organiques persistants à des concentrations supérieures aux limites prévues à l’annexe IV du règlement (CE) n° 850/2004 du 29/04/2004 concernant les polluants organiques persistants (op.cit. annexe I, 1.2). De plus, s’ils ne font pas immédiatement l’objet d’une préparation en vue de la réutilisation, ces déchets doivent être réceptionnés et entreposés distinctement des autres types de déchets gérés sur le site de l’installation (op. cit, annexe I, 1.4). Enfin, pour les gaz en récipients à pression mis au rebut, ces derniers doivent être acceptés dans la préparation « s’ils sont récupérés dans leur récipient initial fermé et dont la sécurité du système d’ouverture est intègre » (op. cit, annexe I, 1.3).

  • 2°.   Le traitement du déchet dans la préparation en vue de la réutilisation

Pour rappel, la préparation en vue de la réutilisation est définie par la loi comme étant « toute opération de contrôle, de nettoyage ou de réparation en vue de la valorisation par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont préparés de manière à être réutilisés sans autre opération de prétraitement » (C. env., L.541-1-1 ; arrêté, NOR : TREP1833762A, op. cit. art. 1er).

Dans le cadre de la préparation en vue de la réutilisation, le déchet devra faire l’objet d’un contrôle technique (contrôle visuel ou tactile, tests d’étanchéité ou électriques…) et un contrôle administratif (contrôle de la cohérence entre le déchet et les documents d’accompagnement du déchet).

Ces contrôles visent à identifier les opérations qui permettront de garantir que « le déchet pourra être directement réutilisé pour le même usage qu’initialement prévu pour l’objet ou le produit chimique dont il est issu » (op. cit., art. 2 b) et annexe I, 2.1).  Le cas échéant, des étapes de nettoyage ou de réparation devront être menées pour que le déchet puisse être « directement réutilisé pour le même usage qu’initialement prévu pour l’objet ou le produit chimique dont il est issu » (op. cit., art. 2 b) et annexe I, 2.2).

Parallèlement, l’exploitant devra effectuer un auto-contrôle impliquant « une vérification administrative et une inspection visuelle des déchets entrant et des objets et produits chimiques sortant de la préparation en vue de la réutilisation » (op. cit., art. 2, e) et art. 6).  Lors de l’auto-contrôle, si des analyses complémentaires n’écartent pas le doute sur la nature ou la composition du déchet, du produit chimique ou de l’objet, le personnel compétent devra l’expédier vers une installation de gestion de déchets autorisée à le recevoir ( op. cit., art. 2, e) et art. 6). A l’issue de leur préparation, les objets et produits chimiques devront être entreposés distinctement des autres types d’objets ou produits chimiques éventuellement gérés sur le site de l’installation (op. cit., art. 2 b) et annexe I, 2.3).

Enfin, et afin d’assurer la traçabilité des objets et des produits chimiques qui ont été des déchets, chaque unité ou lot d’objets et de produits chimiques préparés devra être identifié par un numéro d’identification et la référence de l’installation ayant réalisé la préparation (op., cit., art. 2, e) et art.5).

Les déchets qui ne répondront pas à ces conditions ne pourront pas être considérés comme étant sortis de ce statut.

  • 3°.   la qualité des objets et des produits chimiques issus de la préparation en vue de la réutilisation

A l’issue de leur préparation, les matériaux ou substances devront être « conditionnés ou reconditionnés et entreposés selon des pratiques pouvant préserver leur intégrité et leur qualité » (op. cit., art. 2 c) et annexe I, 3.2.). Par ailleurs, les objets et les produits chimiques devront être « dans un état permettant une utilisation directe sans autre opération de traitement de déchets » (op. cit., art. 2 c) et annexe I, 3.1.).

 

Enfin, ces derniers devront avoir une utilisation identique à celle de l’objet ou du produit chimique dont ils sont initialement issus (op. cit., art. 2 c) et annexe I, 3.3.). Pour un objet, l’utilisation identique correspond « à la fonction principale de l’article ou de l’assemblage d’articles dont il est initialement issu » (op. cit., art. 2 c) et annexe I, 3.3). Concernant l’emballage ayant contenu des substances dangereuses ou contaminés par de tels résidus, « l’utilisation identique correspond à une utilisation comme emballage pour une substance ou un mélange dont les propriétés sont compatibles avec les propriétés de la substance dangereuse ou du résidu qui était présente dans l’emballage » (op. cit., art. 2 c) et annexe I, 3.3). Quant aux produit chimiques, « l’utilisation identique correspond à l’une des utilisations mentionnées dans le dossier d’enregistrement au titre du règlement REACH de la substance (s’il s’agit d’une substance au sens du règlement REACH) ou des substances (s’il s’agit d’un mélange au sens du règlement REACH) dont il est initialement issu » (op. cit., art. 2 c) et annexe, I, 3.3).

Même si les objets et produits chimiques ne sont plus soumis à l’obligation d’étiquetage prévue initialement dans le projet d’arrêté (projet d’arrêté op. cit., annexe I, 3.4), ces derniers devront respecter « les obligations du code de la consommation au titre de la mise sur le marché des produits et les obligations réglementaires existantes pour ce type de produit » (arrêté, NOR : TREP1833762A, op. cit., annexe I, 3.4.).

Par ailleurs, l’exploitant devra appliquer un système de gestion de la qualité comprenant une revue de direction, un bilan de l’année précédente et un manuel de qualité (op. cit., art. 2, e) et art. 5 ; C. env., art. D. 541-12-14  ; arrêté 19 juin 2015 relatif au système de gestion de la qualité).

Le manuel de qualité devra notamment contenir la définition de la formation du personnel compétent et les procédures permettant de vérifier le respect des obligations d’auto-contrôle (op. cit., art. 2, e) et art. 5).

  • 4°    la cession des objets et des produit chimiques issus de la préparation en vue de la réutilisation

A la fin de la préparation, l’exploitant devra conclure un contrat de cession ou proposer les objets ou produits chimiques préparés à la vente aux particuliers dans un espace de distribution dont il sera lui-même l’opérateur (arrêté, NOR : TREP1833762A, JORF n°0294, art. 2, d)). En cas de cession de bouteilles de gaz assorties d’une consigne, le bulletin de consignation fera office de contrat de cession (op. cit., art. 2, d)).

Une attestation de conformité (C. env., art. D. 541-12-13) devra être transmise à l’acheteur sur demande de celui-ci (arrêté, NOR : TREP1833762A, op. cit. art. 2, e) et art. 3).

Ce document attestera que l’objet ou le produit chimique a été préparé conformément aux dispositions de l’arrêté du 11 décembre 2018 et qu’il mentionné notamment les énonciations de son annexe II (i.e. conformité à une norme, le cas échéant, les principales dispositions techniques de la spécification du client.

Ces informations pourront être incluses dans le contrat de cession et feront alors fonction d’attestation de conformité (op. cit., art. 2, e) et art. 3).

Celles-ci pourront également figurer dans les registre chronologique des substances ou objets ayant cessé d’être des déchets qui fera alors fonction d’attestation de conformité (arrêté, NOR : TREP1833762A, op. cit., art. 2, e) et art.3).

Il appartient désormais aux opérateurs concernés de mettre en œuvre l’arrêté.

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Les dossiers relevant du droit des déchets sont gérés au cabinet par:

  • Me David DEHARBE, associé: david.deharbe@green-law-avocat.fr
  • Me Yann BORREL, of counsel: yann.borrel@green-law-avocat.fr

et leur équipe.