CONSULTATION DES COMMUNES LIMITROPHES D’UN PARC ÉOLIEN ET CONTENTIEUX

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Maître Lou DELDIQUE (Green Law Avocat)

Un récent jugement du Tribunal administratif d’Amiens (consultable ici : TA Amiens, 12 novembre 2014, n°1202933) précise la portée et les conditions d’application des dispositions de l’article R. 423-56-1 du code de l’urbanisme.

Pour rappel, cette disposition, issue du XI de l’article 90 de la Loi Grenelle II (Loi n°2010-788 du 12 juillet 2010), prévoit que lorsqu’un projet éolien se situe en dehors des zones de développement de l’éolien (ZDE) définies par le Préfet, les communes et EPCI limitrophes de l’unité foncière d’implantation du projet doivent être consultés pour avis dans le cadre de la procédure d’instruction de la demande de permis de construire (sur l’application ratione temporis de l’article R. 423-56-1, voir CAA Lyon, 18 déc. 2012, Sté Ferme Éolienne de Chazamais, n° 12LY01318).

En l’espèce, des riverains demandaient l’annulation de 9 arrêtés de permis de construire délivrés par le Préfet de la région Picardie pour la construction de 9 éoliennes.

Parmi les moyens soulevés au titre de la légalité externe, ils soutenaient notamment que la procédure de délivrance du permis de construire avait été viciée par le défaut de consultation des communes limitrophes, alors que le projet se situait en dehors de toute ZDE.

Après avoir constaté qu’une des communes limitrophes n’avait bel et bien pas été consultée, le Tribunal administratif retient toutefois que seule l’une des machines projetées (l’éolienne E 4) se situait sur une parcelle limitrophe de cette commune. Il en déduit que cette irrégularité n’a pu affecter que le permis de construire de ladite éolienne, et non ceux des autres, ce qui est parfaitement logique puisque l’opérateur avait en l’espèce déposé une demande de permis par aérogénérateur :

« Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du XI de l’article 90 de la loi susvisée du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement : « Hors des zones de développement de l’éolien définies par le préfet, pour les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d’urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets sont consultés pour avis dans le cadre de la procédure d’instruction de la demande d’urbanisme concernée » et qu’aux termes de l’article R. 423-56-1 du code de l’urbanisme : « Dans le cas d’un projet éolien soumis à permis de construire et situé en dehors d’une zone de développement de l’éolien définie par le préfet, l’autorité compétente recueille, conformément aux dispositions prévues au XI de l’article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, l’avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d’urbanisme ou d’autorisations d’urbanisme limitrophes de l’unité foncière d’implantation du projet. » ; qu’il résulte de la combinaison de ces articles que l’autorité administrative était tenue, à compter de l’entrée en vigueur de l’article R. 423-56-1 susmentionné, résultant du décret du 12 janvier 2012 susvisé, de consulter seulement les communes et établissements publics de coopération intercommunale limitrophes de l’unité foncière d’implantation du projet ; qu’en l’espèce, la seule unité foncière concernée est celle qui supporte l’éolienne E 4, limitrophe de la commune d’Homblières ; qu’il est constant que l’avis de cette commune n’a pas été sollicité et qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il aurait été néanmoins porté à la connaissance du préfet de région, alors que cet avis était susceptible d’avoir une influence sur le sens de la décision prise par ledit préfet ; que, par suite, la méconnaissance d’une telle formalité substantielle est de nature à entacher d’irrégularité le seul permis de construire n° PC 002 636 10 Q00 14 pour l’éolienne E 04, délivré pour la seule éolienne implantée sur une unité foncière limitrophe d’une commune voisine de la commune de Regny ; »

Il ressort donc de cette décision que la consultation d’une commune dans les conditions prévues par l’article R. 423-56-1 constitue une formalité substantielle, dont l’omission ne peut être couverte par la jurisprudence Danthony (CE, 23 décembre 2011, n°335033).

Cette appréciation est à rapprocher de celle du juge en matière de consultation des communes voisines dans le cadre de l’instruction d’une demande d’autorisation ICPE. En effet, aux termes de l’article R. 512-20 du code de l’environnement, chacune des communes concernées par les risques et inconvénients dont le projet peut être la source est appelée à donner son avis sur la demande d’autorisation, et il a déjà été jugé que l’omission de cette consultation était de nature à entacher d’illégalité l’arrêté d’autorisation (TA Pau, 23 juin 1999, Trouilh: RJ envir. 2000. 486, note Schneider ; CAA Douai, 3 février 2011, n°09DA01202).
Mais surtout, on peut se demander en quel sens les juges de première instance auraient statué s’il n’y avait pas eu un permis de construire par éolienne.

A cet égard, il est permis de supposer qu’étant en présence d’un projet divisible(sur la divisibilité des projets éoliens, voir CE, 6 novembre 2006, n°281072 ; CAA Lyon, 12 octobre 2010, n°08LY02786 ; CAA Nantes, 22 juin 2010, n°09NT02036 ; CAA Nantes, 7 avril 2010, n°09NT00829 ; CAA Lyon, 23 octobre 2007, n°06LY02337), ils auraient alors fait application des principes posés par la jurisprudence Commune de Grenoble (CE, 17 juillet 2009, n° 301615) et procédé à une annulation partielle.

En effet, le Conseil d’Etat a récemment rappelé qu’une annulation partielle est possible aussi bien en cas d’illégalité interne qu’externe (CE, 27 novembre 2013, n° 358765, Assoc. Bois-Guillaume ; voir aussi CE, 2 févr. 2004, n°238315, SCI la Fontaine de Villiers ; CAA Nantes, 18 avril 2006, n°04NT01390, Société Investimmo régions).

Et à supposer même que le Tribunal considère le projet comme indivisible (voir par exemple CAA Nantes, 17 janvier 2014, n° 13NT00947), il lui aurait toujours été possible de faire application de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, qui prévoit une possibilité d’annulation conditionnelle lorsque l’illégalité entachant le permis n’affecte qu’une « partie identifiable » de ce dernier, et qu’elle peut être régularisée par un arrêté modificatif de l’autorité compétente (voir CE, 1er mars 2013, n° 350306, Fritot et autres c. / Ventis). Notons que dans l’hypothèse d’un défaut de consultation de l’architecte des bâtiments de France ne concernant que le poste de livraison d’un projet éolien, la Cour administrative d’appel de Nantes a précisément fait usage de cette disposition (CAA Nantes, 17 janvier 2014, n° 13NT00947).

Ces mécanismes d’annulation partielle ou conditionnelle tempèrent donc considérablement l’importance de la formalité prévue par l’article R. 423-56-1.

Enfin, il est permis de s’interroger sur l’avenir du mécanisme de cet article depuis la suppression des ZDE par la loi n°2013-312 du 15 avril 2013, dite loi «Brottes» : certes, les ZDE existantes subsistent, mais il est évident que la disposition a perdu de son intérêt…