Evil bankerPar une question parlementaire en date du 13 mai 2014, le député Olivier Dussopt interrogeait la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur le dispositif des garanties financières pour la mise en sécurité des ICPE lors de leur mise à l’arrêt définitif, prévu par l’article R. 516-1 du code de l’environnement.

Il rappelle ainsi que, par un décret n° 2012-633 du 3 mai 2012, le pouvoir réglementaire a étendu ce dispositif à de nombreuses ICPE exploitées par des collectivités territoriales (installations soumises à autorisation et installations de transit, regroupement, tri ou traitement de déchets soumises à enregistrement), en prévoyant toutefois un régime d’exemption pour celles exploitées directement par l’État.

Précisons à cet égard que ce texte avait fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat, qui, dans un arrêt du 12 juin 2013, a validé ce système d’exemption, en jugeant qu’il ne méconnait pas le principe d’égalité :

« Considérant, en troisième lieu, que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que des personnes placées dans des situations différentes soient traitées différemment ; que si les dispositions insérées à l’article R. 516-1 du code de l’environnement par le décret attaqué prévoient que les installations classées exploitées directement par l’Etat sont exemptées de l’obligation de constitution de garanties financières, l’Etat n’est pas, au regard de l’objectif poursuivi par une telle obligation, qui est que l’Etat puisse, en cas de défaillance de l’exploitant, financer la surveillance et la mise en sécurité d’un site devenu orphelin, dans une situation comparable à celle des autres exploitants d’installations classées ; qu’ainsi, la fédération requérante n’est pas fondée à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait le principe d’égalité ; » (CE, 12 juin 2013, Féd. des entreprises du recyclage, n°360702: AJDA 2013. 1255 ; BDEI juill. 2013, n°1603; Complément Urbanisme Aménagement n°16, sept. 2013, p. 24, note Wolff)

A l’instar d’autres députés ou sénateurs (voir Rép. min. n° 56893 : JOAN, 24 juin 2014, p. 5250 ; Rép. min. n° 11763 : JO Sénat Q, 26 juin 2014, p. 1543), l’auteur de la question commentée revient néanmoins sur cette problématique en invoquant cette fois la situation des collectivités concernées par le nouveau dispositif : relevant qu’il est susceptible d’engendrer d’importants coûts, tant pour ces collectivités que pour les usagers qui voient nécessairement la fiscalité locale ou leurs redevances augmenter, il demandait que l’article R. 516-1 du code de l’environnement soit modifié « afin d’étendre le régime d’exemption aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux établissements publics locaux, tant en vertu du principe d’égalité entre personnes morales de droit public qu’au regard de l’objectif de maîtrise des dépenses publiques. »

 

Par une réponse en date du 24 juin 2014 (Rép. min. n° 55324: JOAN, 24 juin 2014, p. 5247 : consultable Ici), la ministre de l’écologie précise que le décret susmentionné a pour objectif d’assurer la mise en sécurité des installations classées en cas de défaillance économique de l’exploitant, et d’éviter ainsi que l’État doive assurer le passif environnemental de ce dernier. Il s’agit donc d’une mesure destinée à renforcer l’efficacité du principe « pollueur-payeur », notamment en cas d’insolvabilité de celui-ci.

Elle explique encore que l’exemption prévue pour les ICPE exploitées directement par l’État, validée par le Conseil d’État et Commission consultative d’évaluation des normes lors de la préparation des textes, se justifie par la circonstance que ces installations ne fonctionnent pas dans le domaine concurrentiel, puisqu’il s’agit d’activités régaliennes (installations militaires). Elles se distinguent en cela des ICPE exploitées par les collectivités, qui, elles, s’inscrivent dans les domaines concurrentiels de la gestion des déchets ou de la production d’énergie. Par conséquent, l’extension du mécanisme d’exemption aurait pour effet de créer une distorsion de concurrence avec les entreprises privées.

Elle souligne au demeurant que certaines collectivités se sont déjà révélées défaillantes, et que l’ADEME (qui agit pour le compte de l’Etat) doit parfois intervenir pour mettre en sécurité les installations lorsqu’elles cessent de les exploiter.

Quant aux coûts des garanties financières, la réponse rappelle que :

–          les collectivités n’ont pas à consigner le montant total de la garantie et qu’elles peuvent passer par un régime assurantiel ;

–          que dans la mesure où le risque de défaillance est faible, le coût devrait l’être également et correspondre à moins de 1 % du montant total de la garantie.

Enfin, la ministre indique que, dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques, un bilan de la mise en place de ce dispositif sera prochainement réalisé par le Conseil général de l’environnement et du développement (CGEDD), et le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET), et que le cas particulier des collectivités exploitantes d’ICPE sera examiné à cette occasion.

Maître Lou DELDIQUE (Green Law Avocat)