Certificats de production de biogaz: analyse du décret précisant le dispositif (décret 2022-640)

Par Stéphanie GANDET – Avocat associé- Green Law Avocats

Un texte réglementaire important relatif aux CPB (certificats de production de biogaz) vient de paraître: en effet, le Décret n° 2022-640 du 25 avril 2022 a été publié au JORF du 26 avril 2022.

Contexte

Ce texte est bienvenu dans un contexte d’attente des professionnels de la filière biométhane.

Selon un rapport d’information du Sénat en date du 29 septembre 2021, il existait alors encore un flou sur le dispositif des certificats de production: le rapport fait état de la lenteur de la transcription réglementaire qui rend pour l’instant le dispositif non opérationnel, en dépit de la politique de soutien de la méthanisation, qui repose essentiellement sur les tarifs d’achat.

En synthèse, le décret impose aux fournisseurs de gaz naturel une obligation de restitution à l’Etat de certificats. Les fournisseurs de gaz naturel peuvent s’acquitter de cette obligation, soit en produisant directement du biogaz injecté dans un réseau de gaz naturel, soit en acquérant des certificats auprès de producteurs de biogaz.
Dans ce dispositif, les producteurs de biogaz commercialisent indépendamment la molécule de biogaz et les certificats de production de biogaz. Ce dispositif permet ainsi aux producteurs de biogaz de disposer d’un revenu associé à la commercialisation des certificats de production de biogaz, venant s’ajouter au revenu de la vente physique du biogaz. Ce dispositif est exclusif de soutien via un contrat d’obligation d’achat.

Analyse.

Rappel du cadre juridique actuel des CPB

Le régime des certificats de production de biogaz (« CPB ») est fixé par les articles L.446-31 et suivants du Code de l’énergie, introduits par la loi du 22 août 2021 « Climat et Résilience »[1], qui visent à favoriser la production de biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel.

Les CPB sont considérés comme étant complémentaires avec les autres mécanismes de soutien. Les seuils ci-dessous sont des seuils pressentis par la filière mais qui n’ont pas encore été retranscrits en droit positif :

  • Pour les unités d’une capacité inférieure à 25 GWh/an : tarif d’achat en guichet ouvert
  • Pour les unités d’une capacité supérieure à 25 GWh/an : appels d’offres pour le biométhane injecté ;

Le dispositif de CPB est un dispositif de type « certificats verts » au sens de la réglementation européenne. Ce dispositif consiste à imposer aux fournisseurs de gaz naturel une obligation de restitution à l’Etat de certificats. Les fournisseurs de gaz naturel peuvent s’acquitter de cette obligation :

  • soit en produisant directement du biogaz injecté dans un réseau de gaz naturel,
  • soit en acquérant des certificats auprès de producteurs de biogaz.

Un certificat de production de biogaz est en effet un bien meuble négociable valable pour une durée de cinq ans, délivré par un organisme désigné par le Ministre de l’énergie. Il est délivré au demandeur par l’organisme à proportion de la quantité injectée dans le réseau de gaz naturel.

Pour demander un certificat de production de biogaz, le producteur de biogaz doit respecter les conditions suivantes :

  • L’installation de production ne doit pas bénéficier d’un contrat mentionné aux articles L. 311-12, L. 314-1, L. 314-18, L. 314-31, L. 446-4, L. 446-5, L. 446-14, L. 446-15 ou L. 446-26 ;
  • L’installation de production doit respecter les critères de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre définis aux articles L. 281-5 à L. 281-10 du code de l’énergie ;
  • L’installation de production doit respecter la limite d’approvisionnement par des cultures alimentaires définie à l’article L. 541-39 du code de l’environnement ;
  • L’installation de production doit être située en France métropolitaine continentale.

Il est prévu que les producteurs qui en font la demande se voient délivrer des certificats de production de biogaz à proportion de la quantité de biogaz injectée dans le réseau de gaz naturel et qu’il ne peut être délivré plus d’un certificat de production de biogaz pour chaque unité de biogaz produite et injectée dans un réseau de gaz naturel correspondant à un mégawattheure. Le nombre de certificats de production de biogaz pouvant être délivrés par mégawattheure de biogaz produit et injecté dans un réseau de gaz naturel peut être modulé à la baisse en fonction des coûts de production d’une installation performante représentative de la filière à laquelle appartient l’installation de production.

Le décret du 25 avril 2022 vient compléter le volet réglementaire du dispositif.

Contraintes principales du dispositif des certificats de production de biogaz

Deux contraintes spécifiques sont à relever (au delà d’une analyse plus fine du cadre réglementaire) :

L’interdiction de cumul entre CPB et le bénéfice d’un contrat d’achat aidé

L’article L446-38 du code de l’énergie[1] en vigueur prévoit que le système de CPB ne peut se cumuler avec d’autres contrats aidés, tels que :

  • un contrat d’achat de biométhane visé à l’article L446-4 du code de l’énergie ;
  • un contrat conclu après que le projet ait été lauréat à un appel d’offres (article L 311-12 du code de l’énergie), ou à un appel à projets régi par l’article L 446-14 du code de l’énergie.

Concrètement, la loi permet la mise en place d’un système de certificats de production de biogaz concernant uniquement le gaz renouvelable produit en France et qui n’est pas soutenu par un contrat d’achat aidé.

Les textes existants ne prévoient en revanche pas en l’état d’interdiction de cumul entre le système de CPB et le fait d’avoir, dans le passé, bénéficié d’un contrat aidé tel qu’un contrat de vente d’électricité qui serait arrivé à son terme. En l’état, on peut donc considérer que le fait d’avoir été bénéficiaire d’un tel contrat qui est échu ne rentre pas dans le champ de l’interdiction posée par l’article  L446-38 du code de l’énergie.

Les critères réglementaires fixés qui prévoient plusieurs paramètres de modulation du nombre de CPB délivrés

Le décret créé un nouvel article R. 446-112 qui prévoit que « l’appréciation des coûts de production justifiant la modulation à la baisse du nombre de certificats délivrés […] s’établit à partir des critères suivants :

  • 1° La production du biométhane en installation de stockage de déchets non dangereux à partir de déchets ménagers et assimilés ou par la méthanisation en digesteur de produits ou déchets non dangereux ;
  • La date de mise en service de l’installation de production de biométhane. Pour les installations ayant bénéficié d’un des contrats prévus à l’article L. 311-12 pour de l’électricité produite à partir de biogaz, d’un contrat d’achat d’électricité produite à partir de biogaz prévu à l’article L. 314-1, d’un contrat offrant un complément de rémunération pour de l’électricité produite à partir de biogaz prévu à l’article L. 314-18, d’un contrat d’achat de biométhane en application des dispositions des articles L. 446-4 et L. 446-5, d’un contrat offrant un complément de rémunération pour du biométhane prévu à l’article L. 446-7, la date de mise en service de l’installation correspond à la date de prise d’effet de ce contrat ;
  • 4° La production annuelle prévisionnelle de l’installation ».

Les coefficients de modulation sont arrêtés par le ministre chargé de l’énergie après avis du Conseil supérieur de l’énergie et de la Commission de régulation de l’énergie.

La succès de ce dispositif dépendra de plusieurs variables, notamment le niveau de soutien des contrats d’achat de biométhane en guichet ouvert, dont ils sont l’alternative.

Conseil de plus de 160 unités de méthanisation, le cabinet analyse actuellement en détail l’impact de ce dispositif pour des sites qu’elle accompagne.


[1] Article L 446-38 du code de l’énergie : « […] 1° L’installation de production ne doit pas bénéficier d’un contrat mentionné aux articles L. 311-12, L. 314-1, L. 314-18, L. 314-31, L. 446-4, L. 446-5, L. 446-14, L. 446-15 ou L. 446-26 ; »


[1] Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets  dite « Climat et Résilience ».