CENSURE PARTIELLE DE LA LOI « PACTE » POUR CAVALIER LEGISLATIF

240_F_121641455_SnBS1Qas1eBewwGgOx0znRxJRd3gRKyjPar Yann BORREL, Avocat of Counsel, GREEN LAW AVOCAT (yann.borrel@green-law-avocat.fr)

Par sa décision n° 2019-781 DC du 16 mai 2019 [téléchargeable ici], le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) prévoyant le report :

– d’une part, de l’interdiction de certains ustensiles plastiques à usage unique (cf. art. 17 de la loi) ;

– et d’autre part, de l’interdiction de certains pesticides, fongicides et herbicides (cf. art. 18 de la loi).

Pour mémoire, l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement [téléchargeable ici], qui est issu de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, a prévu, au plus tard le 1er janvier 2020, de mettre fin « à la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table, pailles, couverts, piques à steak, couvercles à verre jetables, plateaux-repas, pots à glace, saladiers, boîtes et bâtonnets mélangeurs pour boissons en matière plastique, sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées ».

En adoptant l’article 17 de la loi, les parlementaires de la majorité avaient souhaité reporter cette interdiction :

–      à compter du 1er janvier 2020 pour les gobelets et verres ainsi que les assiettes jetables de cuisine pour la table, à l’exception des gobelets et verres qui ne sont pas en polystyrène expansé lorsqu’ils sont compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées ;

–      à compter du 1er janvier 2021 pour les pailles à l’exception de celles destinées à être utilisées à des fins médicales, piques à steak, couvercles à verre jetables, assiettes autres que celles jetables de cuisine pour la table, y compris celles comportant un film plastique, couverts, bâtonnets mélangeurs pour boissons, contenants ou récipients en polystyrène expansé destinés à la consommation sur place ou nomade, bouteilles en polystyrène expansé pour boissons, tiges de support pour ballons et leurs mécanismes à l’exception des tiges et mécanismes destinés aux usages et applications industriels ou professionnels et non destinés à être distribués aux consommateurs.

Par ailleurs, l’interdiction de produire, de stocker et de faire circuler des produits phytosanitaires dont la substance active est prohibée par l’Union Européenne (sous réserve du respect des règles de l’OMC) avait été adoptée dans la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable dite « Egalim ». Cette interdiction était normalement prévue à compter du 1er janvier 2022 (cf. article 83-IV de la loi EGALIM : téléchargeable ici]. En adoptant l’article 18 de la loi « PACTE », les parlementaires de la majorité avaient prévu, d’une part, de reporter cette interdiction à compter du 1er janvier 2025 et d’autre part, d’assortir cette interdiction d’une dérogation pour les producteurs ayant conclu avec l’État une convention de transition contraignante dans les six mois suivant la publication de la loi.

Tout en critiquant la procédure d’adoption des articles 17 et 18, les parlementaires auteurs de la saisine avaient argué du fait que ces articles méconnaissaient les articles 1, 2, 3, 5 et 6 de la Charte de l’environnement. Sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé de leurs arguments de fond, le Conseil constitutionnel a jugé que les articles 17 et 18 étaient contraires à la Constitution au motif qu’ils ne présentaient pas de lien, même indirect avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale (cf. considérant n° 12 à 15 de la décision n° 2019-781). Si le Conseil n’avait pas censuré ces dispositions au motif qu’elles présentent le caractère ce « cavaliers législatifs », il aurait été conduit à apprécier la pertinence du moyen d’inconstitutionnalité invoqué par les auteurs de la saisine au fond : selon ce moyen, les dispositions en cause auraient été contraires à un principe de « non-régression » qui est, en l’état des textes et de la jurisprudence du Conseil, dépourvu de valeur constitutionnelle. Si, pour l’heure, ce principe n’a pas été inscrit dans la Charte de l’Environnement, les auteurs de la saisine ont néanmoins cru pouvoir inférer son existence à partir des articles 1, 2 et 3 de la Charte de l’Environnement et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel imposant au législateur de ne pas priver certains droits et principes constitutionnels de « garanties légales des exigences de droit constitutionnel » (cf. décision 86-210 DC). Le Conseil constitutionnel aura ici fait l’économie d’un débat sur la valeur constitutionnelle du principe de non-régression. Néanmoins, ce débat pourrait rebondir si le Parlement se décidait finalement à inscrire le principe de non-régression dans la Charte de l’Environnement, comme cela avait été proposé au cours de l’examen par l’Assemblée nationale du Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace.