Plaque "Monument historique"Par une décision en date du 19 février 2014 (CE, 19 février 2014, n°361769 :  consultable ici), le Conseil dEtat précise quil ne peut être fait de recours contentieux à lencontre de lavis conforme rendu par larchitecte des bâtiments de France (ABF) dans le cadre de linstruction dune demande de permis de construire, pas plus que contre la décision du préfet de région, saisi d’une contestation de cet avis.

 

Le Conseil d’État avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur les modalités d’exercice du recours administratif ouvert au pétitionnaire et à l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme devant le préfet de région en cas de désaccord avec l’avis de l’ABF (code de l’urbanisme, art. L.313-2 et R.424-14).

 

Dans un arrêt de 2010, le juge administratif avait ainsi dit pour droit que le pétitionnaire n’est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision faisant suite à un avis négatif de l’ABF s’il n’a pas préalablement saisi le préfet de région d’un recours (CE, 28 mai 2010, n° 327615, confirmé par CE, 12 février 2014, n° 359343). Il avait également jugé que le pétitionnaire n’est dispensé de ce recours que lorsque le maire a lui-même contesté l’avis de l’ABF (CE, avis du 30 juin 2010, n° 334747).

 

La décision commentée complète cette jurisprudence en excluant tout recours juridictionnel à l’encontre de l’avis rendu par le préfet statuant dans le cadre de la procédure mentionnée ci-dessus, étant précisé que ce second avis se substitue au premier.
En l’espèce, un particulier, qui avait déposé une demande de permis de construire pour l’extension  de son habitation située dans le périmètre de visibilité d’un monument classé, s’était vu opposer un avis défavorable de lABF.

 

La commune avait alors contesté l’avis auprès du préfet de région, qui avait rejeté son recours.

 

Dans la mesure où cette décision s’était substituée à celle de l’ABF, la commune avait demandé au juge administratif de procéder à son annulation, requête à laquelle tant le tribunal administratif que la cour administrative d’appel avaient fait droit.

 

Le  Conseil d’Etat statuait dés lors dans le cadre du pourvoi en cassation du ministre de la culture.

La Haute Juridiction considère que  lexistence d’un recours administratif préalable devant le préfet de région  n’implique pas la possibilité d’un recours juridictionnel. Un tel recours administratif est ainsi jugé n’avoir ni pour objet ni pour effet de permettre l’exercice d’un recours en excès de pouvoir à l’encontre de la décision de l’ABF, qui apparaît dès lors comme un simple acte préparatoire.

 

Il est néanmoins rappelé que le requérant peut toujours le contester, comme tout avis conforme,  par la voie de l’exception.

 

« Considérant que, lorsque la délivrance d’une autorisation administrative est subordonnée à l’accord préalable d’une autre autorité, le refus d’un tel accord, qui s’impose à l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours ; qu’aux termes de l’article R. 421-38-4 du code de l’urbanisme, alors en vigueur et dont les dispositions ont été reprises, en substance, aux articles R. 423-68 et R. 424-14 du même code :  » Lorsque la construction est située dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit, le permis de construire ne peut être délivré qu’avec l’accord de l’architecte des bâtiments de France. (…) Le préfet de région est saisi (…) soit : / a) Par le maire ou l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, dans le délai d’un mois à compter de la réception de l’avis émis par l’architecte des bâtiments de France ; /b) Par le pétitionnaire, dans le délai de deux mois à compter de la notification du refus de permis de construire. / (…) Le préfet de région émet, après consultation de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l’architecte des bâtiments de France (…)  » ; qu’il résulte de ces dispositions que la délivrance d’un permis de construire est subordonnée, lorsque les travaux envisagés sont situés dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit ou en co-visibilité avec celui-ci, à l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France ou, lorsque celui-ci a été saisi, du préfet de région ; que si l’avis de celui-ci se substitue alors à celui de l’architecte des bâtiments de France, l’ouverture d’un tel recours administratif, qui est un préalable obligatoire à toute contestation de la position ainsi prise au regard de la protection d’un édifice classé ou inscrit, n’a ni pour objet ni pour effet de permettre l’exercice d’un recours contentieux contre cet avis ; que la régularité et le bien-fondé de l’avis de l’architecte des bâtiments de France ou, le cas échéant, de la décision du préfet de région ne peuvent être contestés qu’à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision de refus du permis de construire et présenté par une personne ayant un intérêt pour agir ; »

 

Si cette solution semble évidente en ce qui concerne l’avis de l’ABF, dont il n’est guère surprenant qu’il ne soit pas considéré comme  un acte faisant grief, elle l’est moins en ce qui concerne celui du préfet, que les juges du fond avaient en revanche assimiléà un véritable acte administratif. Mais en réalité, dès lors que cette décision se substitue au premier avis, et a donc nécessairement le même statut, il ne pouvait en être autrement. Tenons-nous le pour dit.

Me LOU DELDIQUE (Green Law Avocat)