Antennes relais : le TA Lille exige un permis de construire !

BeePar Maître  Lou DELDIQUE

(Green Law Avocats)

Plusieurs décisions du Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 15 octobre 2015, n°1302168 ; TA Lille, 17 septembre 2015, n°1300737 et TA Lille, 2 juillet 2015, n°1303432) sont récemment venues enrichir le débat qui oppose les opérateurs de téléphonie mobile aux particuliers contestant l’installation d’antennes-relais près de chez eux (consultables ici : n°1302168 n°13003432 n°1300737).

Rappelons que parmi les moyens fréquemment invoqués dans le cadre des recours en annulation dirigés contre ces projets figure celui tiré d’une méconnaissance des articles R. 421-1 et R. 421-9 du code de l’urbanisme, dispositions qui déterminent quelles constructions sont soumises à permis de construire, et lesquelles sont simplement soumises à déclaration préalable.

L’article R. 421-9 c) prévoit en effet que les constructions d’une hauteur au-dessus du sol supérieure à 12 mètres comme les antennes de télécommunication ne peuvent bénéficier du régime de la déclaration préalable que si elles sont constitutives d’une surface de plancher et d’une emprise au sol inférieures à 5 m2.

Or le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de préciser qu’en matière d’antennes-relais, il convient d’apprécier ces seuils en tenant compte de l’ensemble des éléments constitutifs de l’installation, dans la mesure où ceux-ci entretiennent un lien fonctionnel impliquant de les considérer comme une seule construction :
« Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions qui précèdent que les antennes relais de téléphonie mobile dont la hauteur est supérieure à douze mètres et dont les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement entraînent la création d’une surface hors oeuvre brute de plus de deux mètres carrés n’entrent pas, dès lors qu’elles constituent entre elles un ensemble fonctionnel indissociable, dans le champ des exceptions prévues au a) et au c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme et doivent faire l’objet d’un permis de construire en vertu des articles L. 421-1 et R. 421-1 du même code ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Orange France a déposé une seule déclaration préalable à la mairie de Nîmes le 20 mars 2009 en vue de construire une antenne relais de téléphonie mobile composée, d’une part, d’un pylône de radiotéléphonie d’une hauteur de 18 mètres reposant sur une dalle enterrée d’une surface de 9 mètres carrés, et, d’autre part, d’installations techniques sur une dalle de béton clôturée de palissades en bois d’une surface de 10,5 mètres carrés ; que les surfaces de plancher cumulées du pylône et du local technique sont créatrices d’une surface hors oeuvre brute supérieure à deux mètres carrés ; qu’en jugeant que la construction projetée relevait du régime de la déclaration préalable, aux motifs que la construction du pylône pouvait être dissociée de celle du local technique, que le pylône relevait du c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme, que le local technique relevait du a) du même article et que les dispositions de l’article R. 421-9 ne font pas obstacle à ce que, par une même déclaration préalable, l’autorité compétente autorise plusieurs constructions sur le fondement d’alinéas différents de cet article, sans rechercher s’il existait un lien fonctionnel entre les deux ouvrages leur conférant le caractère d’une seule construction pour l’application des dispositions du c ) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif de Nîmes a commis une erreur de droit ; que, dès lors, M. D. ET AUTRES sont fondés à demander, pour ce motif, l’annulation du jugement qu’ils attaquent » (CE, 20 juin 2012, n° 344646). (Précisons que depuis, l’article R. 421-9 a été modifié par le décret n°2012-274 du 28 février 2012, qui a substitué la notion d’emprise au sol à celle de surface hors œuvre brute, et porté le seuil de 2m2 à 5m2.)

Suite à cet arrêt, de nombreux requérants ont fait valoir que les décisions de non opposition à déclaration préalable autorisant la construction d’antennes étaient illégales, puisque, si la dalle de béton les supportant était prise en compte, l’emprise au sol de la construction dépassait le seuil de 5m2, ce qui implique qu’elle soit soumise à permis de construire. En effet, alors que la surface au sol de l’antenne en tant que telle excède rarement les 2m2, celle de la dalle est presque toujours supérieure à 5m2.

Après la réécriture de l’article R. 421-9 par le décret du 28 février 2012, un débat s’est toutefois engagé devant les juridictions de fond quant à la possibilité de considérer qu’une dalle de béton soit constitutive d’emprise au sol, soit d’une « projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus » (CU, art. R.420-1).

Une circulaire du 3 février 2012 a précisé que seules les constructions dont « aucun élément ne dépasse du niveau du sol » ne sont constitutives d’aucune emprise au sol, étant précisé que tant « la surélévation par rapport au terrain » que « les fondations profondes » sont prises en compte pour déterminer ladite emprise au sol.

Bien évidemment, tous les opérateurs ont immédiatement soutenu que les dalles supportant les antennes ne dépassaient pas le niveau du sol, et plusieurs juridictions les ont suivis sur ce point (TA Caen, 5 novembre 2013, n°1201811 ; TA Versailles, 13 janvier 2014, n°1307148 ; TA Melun, 23 juillet 2014, n°1400670).

C’est pourtant la solution inverse que retient le Tribunal administratif de Lille dans les espèces commentées, en considérant que les dalles de béton sont bel et bien constitutives d’emprise au sol :
« Considérant, qu’il ressort des pièces du dossier que la société SFR a déposé deux déclarations préalables successives à la mairie de Prémesques en vue de construire une antenne de relais de téléphonie mobile composée, d’une part, d’un pylône de radiotéléphonie d’une hauteur de 25 mètres et, d’autre part, d’installations techniques, l’ensemble reposant sur une dalle de béton d’une surface initialement prévue de 15 m2, comme cela ressort des indications figurant sur le plan de masse, puis de 19,60 m2, avec clôture en pourtour du site ; que la dalle de béton ainsi prévue, et dont les requérants allèguent sans être contredit que sa réalisation nécessite des fondations de plusieurs dizaines de centimètres de profondeur, est constitutive d’emprise au sol dès lors qu’elle forme avec le mât et les installations techniques qu’elle supporte un ensemble fonctionnel indissociable ; que, par suite, en raison du lien fonctionnel entre les deux ouvrages, leur conférant le caractère d’une seule construction pour l’application des dispositions du c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme, les requérants sont fondés à soutenir que les travaux projetés par la société SFR ne relevaient pas du régime de la déclaration préalable ; que, dès lors, le maire de la commune de Prémesques devait s’opposer aux travaux déclarés ; qu’il résulte de ce qui précède que les arrêtés du 13 juillet 2012 et du 11 octobre 2012 par lesquels le maire de la commune de Prémesques ne s’est pas opposé aux deux déclarations préalables de travaux déposées par la société SFR en vue de l’implantation d’un relais de radiotéléphonie sont entachés d’illégalité et doivent, par suite, être annulés ; »

« Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions qui précèdent que les antennes relais de téléphonie mobile dont la hauteur est supérieure à douze mètres et dont les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement entraînent la création d’une emprise au sol de plus de cinq mètres carrés n’entrent pas, dès lors qu’elles constituent entre elles un ensemble fonctionnel indissociable, dans le champ des exceptions prévues au c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme et doivent faire l’objet d’un permis de construire en vertu de l’article R. 421-1 du même code ; qu’il ressort des pièces du dossier que la société Orange France a déposé une déclaration préalable à la mairie d’Halluin en vue de construire une antenne relais de téléphonie mobile composée, d’une part, d’un pylône de radiotéléphonie d’une hauteur de 17 mètres reposant sur une dalle enterrée d’une surface de 7,5 m2, et, d’autre part, d’installations techniques avec clôture en pourtour du site, reposant sur une dalle de béton d’une surface de 16 m2 ; que, contrairement à ce que soutient la société Orange France, les dalles de béton ainsi prévues sont constitutives d’emprise au sol dès lors qu’elles forment avec le mât et les installations techniques qu’elles supportent un ensemble fonctionnel indissociable ; que, par suite, en raison du lien fonctionnel entre le pylône, les installations techniques et la dalle de béton, leur conférant le caractère d’une seule construction pour l’application des dispositions du c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme, la commune est fondée à soutenir que les travaux projetés par la société Orange France ne relevaient pas du régime de la déclaration préalable mais devaient faire l’objet d’un permis de construire ; que, dès lors, le maire de la commune d’Halluin était tenu de s’opposer aux travaux déclarés, et ceci quels que soient les motifs fondant la décision attaquée ; (TA Lille, 17 septembre 2015, n°1300737)

« Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions qui précèdent que les antennes relais de téléphonie mobile dont la hauteur est supérieure à douze mètres et dont les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement entraînent la création d’une emprise au sol de plus de cinq mètres carrés n’entrent pas, dès lors qu’elles constituent entre elles un ensemble fonctionnel indissociable, dans le champ des exceptions prévues au c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme et doivent faire l’objet d’un permis de construire en vertu de l’article R. 421-1 du même code; qu’il ressort des pièces du dossier que la société Orange France a déposé une déclaration préalable à la mairie de Neuville-en-Ferrain en vue de construire une antenne de relais de téléphonie mobile composée, d’une part, d’un pylône de radiotéléphonie d’une hauteur de 22 mètres reposant sur une dalle enterrée d’une surface de 16 m2, et, d’autre part, d’installations techniques avec clôture en pourtour du site, reposant sur une dalle de béton d’une surface de 15,2 m2 ; que, contrairement à ce que soutient la société Orange, les dalles de béton ainsi prévues sont constitutives d’emprise au sol dès lors qu’elles forment avec le mât et les installations techniques qu’elles supportent un ensemble fonctionnel indissociable; que, par suite, en raison du lien fonctionnel entre les deux ouvrages, leur conférant le caractère d’une seule construction pour l’application des dispositions du c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme, M. et Mme X. et autres sont fondés à soutenir que les travaux projetés par la société Orange France ne relevaient pas du régime de la déclaration préalable;  » (TA Lille, 2 juillet 2015, n° 1303432)

Notons que le Tribunal administratif d’Orléans avait également reconnu qu’une dalle de béton supportant une antenne-relais ne pouvait être assimilée à une terrasse de plain-pied et fait droit à ce moyen (TA Orléans, 16 avril 2013, n°1203988).

Ces décisions ne manqueront en tout cas pas de rendre espoir aux requérants, trop souvent déboutés de leurs recours, notamment du fait du refus systématique des juridictions administratives d’appliquer le principe de précaution en matière d’antennes-relais (CE, 26 octobre 2011, n°326492 ; CE, 30 janvier 2012, n°344992).