Affichage du PC et délai de recours : tous les tiers ne sont pas logés à la même enseigne

Cartoon Character of Construction cone with sand clock

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Par maître Lou DELDIQUE (Green Law Avocat)

Par un arrêt en date du 27 juillet 2015 (CE, 27 juillet 2015, n° 370846, consultable ici et d’ores et déjà commenté à l’AJDA 2015 p. 1991), le Conseil d’Etat apporte d’utiles précisions sur les modalités d’affichage du permis de construire.

Rappelons en effet qu’il résulte de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme que le délai de recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire ne court à l’égard des tiers qu’à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage du permis sur le site d’implantation du projet.

Les articles A. 424-15 à A. 424-19 du même code précisent les modalités d’affichage de la décision :
– Le panneau doit être rectangulaire et ses dimensions supérieures à 80 centimètres ;
– Ce panneau indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l’adresse de la mairie où le dossier peut être consulté ;
– Il indique également la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la construction, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ;
– Le panneau doit comprendre les mentions relatives au droit de recours de l’article A. 424-17 ;
Il doit enfin être installé de telle sorte que les renseignements qu’il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier.

C’est sur ce dernier point que porte la décision commentée. En effet, les requérants avaient obtenu, en septembre 2007, un permis de construire une maison d’habitation au sein d’un lotissement de la commune du Touquet.

Une association de protection de l’environnement avait contesté la légalité de ce permis devant le Tribunal administratif de Lille et un débat s’était engagé sur la recevabilité dudit recours, que le couple de pétitionnaires considérait comme tardif.

Tant le Tribunal que la Cour administrative d’appel avaient écarté cette fin de non-recevoir au motif que le panneau d’affichage du permis se trouvait au bord d’une voie privée non ouverte à la circulation publique, et qu’il ne pouvait donc être considéré comme visible depuis la voie publique. Dans ses conditions, il avait été jugé que le délai de recours contentieux n’avait pu courir à l’égard de l’association requérante, et que l’action de cette dernière était recevable :
« Considérant qu’il est constant que la parcelle sur laquelle M. et Mme D…envisageaient de construire leur maison se trouve au sein d’un lotissement et au fond de l’impasse des Boutons d’or ; qu’à supposer même qu’ils aient apposé en bordure de leur terrain, dès septembre 2007 et de manière continue, le panneau d’affichage prescrit par les dispositions précitées du code de l’urbanisme, il ne ressort pas de manière suffisamment probante des diverses attestations produites, établies au cours de l’année 2010, que cette voie privée, alors même qu’elle pouvait être empruntée occasionnellement par des promeneurs, des professionnels de l’immobilier ou des personnels de chantier, avait le caractère d’une voie privée ouverte à la circulation publique ; qu’en outre, aucun panneau d’affichage du permis de construire n’était installé en bordure de la voie publique proche du lotissement ou même d’une autre voie privée du lotissement qui aurait été ouverte à la circulation publique ; qu’au contraire, un constat d’huissier produit par l’association et établi en 2009, soit antérieurement aux attestations du pétitionnaire, permet de constater qu’un panneau apposé à l’intersection de la voie des Tulipes et de l’allée des Boutons d’or comporte les mentions :  » entrée interdite sauf pour les riverains et les services municipaux  » ; qu’une des attestations produites par M. et Mme D…admet d’ailleurs qu’il existait un panneau  » voie privée  » ; que les autres attestations ne prennent pas clairement position sur ce point ; que la circonstance que le panneau dont la présence a été constatée par l’huissier en 2009 a été enlevé par la suite est sans incidence ; que, dans ces conditions, M. et Mme D…ne peuvent être regardés comme justifiant du caractère visible de la voie publique des renseignements exigés conformément aux dispositions précitées des articles R. 421-39 et A. 421-7 du code de l’urbanisme ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer doit être écartée ; » (CAA Douai, 30 mai 2013, n°12DA00692)

Le Conseil d’Etat valide cette appréciation, et dit pour droit que « lorsque le terrain d’assiette n’est pas desservi par une telle voie et que l’affichage sur le terrain ne pourrait, dès lors, satisfaire à cette exigence, seul un affichage sur un panneau placé en bordure de la voie publique ou de la voie privée ouverte à la circulation du public la plus proche du terrain fait courir le délai de recours contentieux à l’égard des tiers autres que les voisins qui empruntent la voie desservant le terrain pour leurs besoins propres »

C’est dire que tous les tiers ne sont pas logés à la même enseigne : les riverains immédiats du projet de construction  sont supposés avoir une vue privilégiée sur le panneau d’affichage ce qui n’est pas le cas des autres tiers. Cette solution a le mérite de préserver les droits des tiers non riverains du projet, auxquels on ne saurait reprocher de ne pas avoir pris connaissance d’un affichage qui ne serait pas visible depuis la voie publique.

Confirmant une ancienne décision rendue dans des circonstances tout à fait similaires (CE, 27 juin 1984, Metral, n° 54305), elle rappelle surtout que le juge administratif fait preuve de pragmatisme quand, du fait de la configuration des lieux, l’implantation du panneau d’affichage sur le terrain ne permet pas d’informer les tiers de l’existence du projet (CAA Bordeaux, 6 janv. 2011, n° 10BX00630 ; CE, 23 octobre 1991, n° 119194-119327).

On ne peut donc que conseiller aux pétitionnaires de faire preuve de vigilance lors du choix du lieu d’affichage : notons à cet égard que toutes les voies privées de lotissement ne sont pas regardées comme non ouvertes à la circulation publique, et que pour déterminer leur statut, le juge tient notamment compte de leurs conditions d’accès et du nombre d’habitations desservies (CAA Marseille, 5 avr. 2011, n° 98MA00495 ; CAA Douai, 30 mai 2013, n° 12DA00692).