RechtsfindungLe schéma régional de cohérence écologique (SRCE) de Haute Normandie a été approuvé par la Région le 13 octobre 2014 et adopté par arrêté du préfet de région, le 18 novembre. Ce document, qui instaure une trame verte et bleue régionale, a été élaboré de manière conjointe par la Région Haute-Normandie et l’État, à l’issue d’une concertation avec les partenaires régionaux.

C’est l’occasion de revenir sur les principaux enjeux juridiques du SRCE.

Le schéma de Haute Normandie est le sixième SRCE adopté en France, les Régions d’Ile-de-France, le Rhône-Alpes, l’Alsace, le Nord-Pas-de-Calais, la Basse-Normandie ayant déjà adopté les leurs.

Pour rappel, les trames vertes et bleues (TVB) constituent un nouvel outil d’aménagement du territoire issu des lois Grenelle I et II (L. n° 2009-967 du 3 août 2009 ; L. n° 2010-788 du 12 juillet 2010) et codifié aux articles L. 371-1 et suivants du Code de l’environnement. Elles ont pour objet de créer des continuités territoriales permettant « d’enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural. »

 Les schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) identifient quant à eux les réseaux formés de continuités écologiques terrestres et aquatiques et cartographient la TVB à l’échelle de la région (C. envir., art. L. 371-3).

Ils se composent des documents suivants (C. envir., art. L. 371-3, al. 7 à 12 et R. 371-25 à R. 371-31) :

  • un diagnostic du territoire national (biodiversité et interactions entre biodiversité et activités humaines) et une présentation des enjeux relatifs à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques à l’échelle régionale (atouts, menaces, avantages et activités liés aux continuités ; hiérarchisation et spatialisation des enjeux régionaux) ;
  • un volet présentant les continuités écologiques retenues pour constituer la TVB régionale et identifiant les réservoirs de biodiversité et les corridors qu’elles comprennent – approche et méthodologie retenues, caractéristiques et rattachement à une sous-trame (milieux boisés, ouverts, humides, littoraux et cours d’eau), objectifs de préservation et de remise en bon état assignés, localisation, caractérisation et hiérarchisation des obstacles et enfin prise en compte des enjeux nationaux et transfrontaliers prévus par les orientations nationales. Il convient de souligner que les réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques constituant la TVB régionale comprennent notamment, les espaces dont l’intégration est prévue par les orientations nationales, ainsi que les milieux nécessaires à la remise en bon état et à la préservation des espèces, habitats et continuités écologiques (C. envir., art. R. 371-24).
  • un atlas cartographique au 1/100 000ème comprenant une carte des éléments de la TVB, une carte des objectifs de préservation ou de remise en état de ces éléments et des obstacles les concernant, une carte de synthèse régionale schématique et une carte des actions prioritaires du plan stratégique. Les éléments devant figurer sur les cartes sont précisés par les orientations nationales.
  • un plan d’action stratégique (outils et moyens mobilisables ; actions prioritaires et hiérarchisées ; efforts de connaissance) dont les moyens et mesures sont décidés et mis en œuvre par les acteurs concernés dans leurs compétences respectives.
  • un dispositif de suivi et d’évaluation par le biais d’indicateurs : éléments composant la TVB, fragmentation du territoire et son évolution, mise en œuvre du schéma et contribution de la TVB aux enjeux nationaux ;
  • un résumé non technique contenant l’objet du schéma, les grandes étapes de son élaboration, les enjeux régionaux et le choix ayant conduit à la détermination de la TVB régionale. Il est illustré par une carte de synthèse régionale schématique des éléments de la TVB.

L’impact des SRCE sur les possibilités de construire ou d’aménager le territoire ne doit pas être négligé, dès lors que les documents d’urbanisme (SCOT et PLU) et les projets publics devront juridiquement les prendre en compte (sur la notion de « prise en compte », voir David DEHARBE et Stéphanie GANDET, Schéma Régional de Cohérence Ecologique, fruit juridique du Grenelle, n°340 – Octobre 2014 ; H. Jacquot, La notion de prise en compte d’un document de planification spatiale : enfin une définition jurisprudentielle : Gridauh, éd. Moniteur 2005, p. 71 s. ; CE, 9 juin 2004, n° 254174, Assoc. Alsace Nature : JurisData n°2004-066954 et CE, 9 juin 2004, n° 256511, Assoc. de défense de l’environnement et a. : Rec. CE 2004, tables p. 702 et 730).

Cette obligation de prise en compte implique notamment que les documents d’urbanisme devront a minima viser et analyser le SRCE applicable sur le territoire. Et en cas de différence entre le parti pris d’aménagement et les orientations du SRCE, il incombera aux rédacteurs du PLU de justifier cette dérogation par un motif d’intérêt général.

Au vu de ce qui précède, il ne fait aucun doute que certains SRCE feront l’objet de recours en excès de pouvoir de la part de collectivités ou d’acteurs du territoire (industriels, agriculteurs, aménageurs, ou chasseurs) considérant que les orientations définies restreignent leurs possibilités d’aménagement ou leurs activités.

Ainsi, outre les vices de légalité externe (irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale, méconnaissance du principe de participation lors de l’enquête publique…), il pourra être reproché au document d’avoir inexactement identifié les réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques, ce qui caractériserait une erreur d’appréciation de ses auteurs. De même, l’absence de prise en compte des activités humaines (pourtant imposée par l’article R. 371-26 du code de l’environnement : voir en ce sens CE, 30 juillet 2014, n°369148) lors du diagnostic du territoire constituera un grief opposable aux SRCE.

Se posera également la question de la méthodologie mise en œuvre par les auteurs du document pour recenser les réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques. L’article L. 371-3 précise en effet que la caractérisation du territoire doit notamment se fonder « sur les connaissances scientifiques disponibles », et on peut se demander si la simple compilation de données déjà recueillies pour l’élaboration de documents ou d’inventaires antérieurs suffit à respecter cette prescription, dès lors que les TVB sont censées s’inscrire dans une approche plus dynamique de la biodiversité.

De plus, bien qu’élaborés au niveau régional, les SRCE doivent pouvoir être articulés entre eux au niveau interrégional, ce qui suppose une certaine cohérence nationale dans l’identification des espaces : le non-respect de cette exigence pourrait constituer un défaut de lisibilité et d’effectivité du document.

En tout état de cause, les requérants devront être particulièrement attentifs à la caractérisation de leur intérêt à agir, qui supposera de démontrer en quoi le SRCE est susceptible d’impacter leurs possibilités d’aménagement ou leurs activités (cf. supra).

Lou DELDIQUE

Green Law Avocat