Biogaz / Enregistrement : Précision du juge sur des arguments récurrents (TA de Caen, 29 juillet 2022, n°2100319, Jurisprudence Cabinet)

Par Maîtres Stéphanie GANDET (Avocate associée) et  Marie KERDILES (Avocate collaboratrice) chez Green Law Avocats

Dans un récent jugement, le TA de Caen a rejeté la requête d’une association environnementale contre un arrêté d’enregistrement d’une unité de méthanisation dans la Manche (TA de Caen, 29 juillet 2022, n°2100319).

GREEN LAW AVOCATS représentait ici la future exploitante de l’unité.

Le jugement, bien motivé, s’est prononcé sur des questions classiques en contentieux de la méthanisation : basculement, sensibilité environnementale, enjeu lié à l’eau, épandage. Se prêtant à une analyse approfondie des pièces du dossier, il a détaillée l’ensemble des circonstances de faits ayant conduit à sa décision.

1/ Tout d’abord, il rejette un premier moyen relatif au basculement de la procédure d’enregistrement en procédure d’autorisation environnementale.

Le TA rappelle que :

• les parcelles d’implantation du projet se trouvent à moins de 5km de treize zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) et deux zones Natura 2000 ;

les zones sont connectées par le réseau hydrographique aux parcelles support de l’unité, dont les eaux se déversent dans les zones littorales ;

Toutefois, il retient, au regard des pièces du dossier, que :

Les terrains supportant l’installation elle-même ne présentent qu’un intérêt écologique faible du fait de leur actuelle exploitation en monoculture intensive ;

• Et que la possibilité de réduire l’impact de cette installation sur l’environnement de manière efficace est avérée (merlon entourant le site de l’unité) ;

Le juge estime également, dans un Considérant particulièrement favorable, que :

Il résulte de l’instruction que l’épandage de digestat sur des parcelles agricoles se prête à une réduction efficace de l’impact potentiel de pollutions diffuses, par des mesures telles qu’un calendrier des périodes de limitation et d’interdiction d’épandage, des méthodes limitant les risques de lessivage, ainsi que l’exclusion de l’épandage des zones humides ou à proximité des cours d’eau ;

• Le fait qu’une majorité des parcelles d’épandage se trouvent en zone vulnérable à la pollution diffuse par les nitrates, alors qu’aucune ne se trouve en zone d’action renforcée, ne permet par par elle-même de caractériser une sensibilité environnementale du milieu justifiant l’application du régime d’autorisation.

2/ Ensuite, concernant les capacités techniques et financières, le Tribunal rejette le moyen tiré de l’insuffisance de la démonstration en s’appuyant sur la présence, dans le dossier, des éléments suivants :

Le coût de l’investissement et le financement ;

• Le projet de recourir à des emprunts relais consentis par l’ADEME et le Conseil Régional ;

• La lettre d’un établissement bancaire indiquant être en relation d’affaires suivie avec les associés de la pétitionnaire ;

La répartition des montants d’investissements prévisionnels et des charges d’exploitation prévisionnelles, assortis d’un tableau prospectif sur 15 ans précisant les données retenues pour la détermination des montants.

3/ Le Tribunal rappelle enfin que lorsque des requérants soutiennent que les prescriptions générales applicables sont insuffisantes compte tenu de la sensibilité écologique de la zone du projet, ceux-ci doivent :

• Préciser les mesures complémentaires nécessaires à la protection des intérêts environnementaix dont l’édiction était requise ;

• Indiquer les motifs pour lesquels les mesures compensatoires prévues par l’exploitant sont insuffisantes pour la protection de ces intérêts ;

Faut de quoi le moyen ne peut qu’être rejeté.

Une décision qui rappelle que les contentieux sont en faveur des projets dont les dossiers sont techniquement étayés, initialement ou après le dépôt de documents complémentaires.
 
Un dossier techniquement convaincant emportera donc plus facilement la conviction du juge que des craintes et peurs non fondées juridiquement.