« J -8 POUR DÉPOSER VOTRE DOSSIER D’EXPÉRIMENTATION LÉGISLATIF »

StartupPar Maître Yann BORREL (Green Law Avocats)

Depuis l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 (JORF n°75 du 29 mars 2003 page 5568), « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limitée, des dispositions à caractère expérimental » (cf. Constitution, art. 37-1). On se souvient que la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait instauré, sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution, des expérimentations en matière de gestion par les collectivités territoriales des fonds structurels européens (cf. art. 44), de prise en charge par les communes de la politique de résorption de l’insalubrité dans l’habitat (cf. art. 74) ou encore de création d’établissements publics d’enseignement primaire (cf. art. 86). L’expérimentation sur le fondement des dispositions combinées des articles 37-1 et 72 de la Constitution a également été testée (cf. loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, art. 142).

Pour autant, le droit à l’expérimentation demeure assez peu utilisé, alors que sa mise en œuvre permettrait l’aboutissement de projets innovants qui s’avèrent irréalisables en l’état de la législation. Dans le but de faciliter et d’intensifier la mise en œuvre de ce droit en tant que levier de développement économique, le Ministère de l’Economie et des Finances a publié un Appel à projets relatifs à une dérogation législative téléchargeable sur le portail de la modernisation de l’action publique.

 Quel(s) avantage(s) le porteur de projet peut-il espérer obtenir en déposant un dossier de demande de dérogation ?

 

Il est précisé dans le Cahier des charges des dérogations législatives 2 que les projets sélectionnés ne bénéficieront d’aucun soutien financier spécifique dans le cadre de l’Appel à projets. En d’autres termes, le porteur de projet ne se verra pas attribuer de subvention de la part de l’Etat si son projet est déclaré éligible à une dérogation. Il n’est toutefois pas exclu que des aides soient apportées en parallèle de l’Appel à projets via d’autres dispositifs de soutien de l’Etat et des collectivités.

L’avantage pour le lauréat résidera donc uniquement dans le fait que l’Etat s’engagera à soutenir l’instauration d’une dérogation législative que seul le Parlement pourra entériner conformément au principe de séparation des pouvoirs. La loi qui sera adoptée pourra, le cas échéant, être complétée par un décret ou par un arrêté, visant à mettre en œuvre l’expérimentation selon les modalités de droit commun. Le texte sera publié au Journal officiel de la République française et entrera en vigueur à la date qu’il fixe ou, à défaut, le lendemain de sa publication.

 

A quelles conditions un projet pourra-t-il être retenu ?

Un projet ne pourra être retenu à l’issue de l’Appel à projets que s’il remplit les critères d’éligibilité (i.) et les critères de sélection (ii.) mentionnés dans le Cahier des charges des dérogations législatives.

 

(i.)       Les critères d’éligibilité

 

Pour être éligible, le dossier devra notamment respecter les critères suivants :

–        être innovant car il devra porter sur une thématique porteuse de perspective d’activité et d’emploi ainsi que sur l’introduction d’un produit ou service nouveau pour le marché ;

–        identifier de façon précise la disposition législative pour laquelle le porteur de projet sollicite une dérogation ;

–        expliciter en quoi la disposition législative pour laquelle le porteur de projet sollicite une dérogation ne permet pas le développement du projet ;

–        proposer une solution juridique, respectant les normes constitutionnelles ou européennes s’imposant aux pouvoirs législatif et réglementaire, qui permettrait le développement du projet ;

–        comporter une estimation de la durée de dérogation à la disposition nécessaire au développement du projet et à son évaluation. Cette durée, nécessairement limitée, sera déterminée lors de la mise en œuvre de l’expérimentation ;

–        indiquer les mesures susceptibles d’être prises afin de réduire d’éventuels risques additionnels ;

–        comporter des propositions concernant les modalités d’évaluation a posteriori du bilan socio-économique (synthétisant par exemple les effets économiques, environnementaux, sur la santé publique, sur la sécurité des personnes, etc.) de la dérogation attribuée et permettant d’apprécier la matérialisation ou non des risques ayant entraîné initialement la mise en place de la réglementation et préciser les données à transmettre à l’administration pour la mise en œuvre de l’évaluation.

Il est important de souligner que les projets sollicitant une dérogation à une norme émise par les institutions de l’Union européenne (règlement européen, directive européenne, etc.) ne seront pas éligibles à une dérogation. Cette règle d’éligibilité, qui résulte de l’application du principe de primauté du droit de l’Union européenne, relativise l’intérêt du dispositif d’expérimentation concernant certains projets tels que les projets de nature économique, en raison de l’existence de règles de l’Union européenne concernant les aides d’Etat, la concurrence ou encore la mise en concurrence) et les projets de nature environnementale, tant le droit de l’environnement est innervé aujourd’hui par le droit de l’Union européenne. Pour autant, cette contrainte ne doit pas décourager les porteurs de projets. De même, les projets sollicitant une dérogation à une réglementation relevant d’une autorité administrative indépendante (AAI3) ne sont pas éligibles à une dérogation. Par ailleurs, il est à noter qu’il incombe au porteur de projet de fournir l’ingénierie juridique permettant le développement de son projet conformément aux normes constitutionnelles et européennes.

 

(ii.)      Les critères de sélection

 

Les projets éligibles seront sélectionnés sur le fondement de critères adaptés, notamment :

–        le développement de nouveaux produits ou services à fort contenu innovant et à forte valeur ajoutée ;

–        l’effectivité de la contrainte juridique ;

–        l’opportunité de déroger à la législation au regard des préoccupations d’intérêt général, notamment en matière sociale, environnementale ou de santé publique ;

–        la mise en place d’une évaluation quantifiée de l’impact de la dérogation afin de mesurer l’opportunité d’une éventuelle généralisation.

Il est à noter que l’Avis d’Appels à Projets est ouvert jusqu’au 31 mai 2018. Le compte-à-rebours est enclenché !