Autorisation environnementale: présentation des principales innovations juridiques

Newton cradle with metallic balls in green, 3d illustrationPar Stéphanie GANDET et Sébastien BECUE

Comme nous l’annoncions dans une note d’actualité de vendredi dernier, l’autorisation environnementale est devenue réalité suite à l’intervention de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, et de deux de ses décrets d’application (décret n° 2017-81  et le décret n° 2017-82).

Le cabinet va proposer, en ce début février, une série de notes consacrées à l’analyse détaillée de cette réforme qui va, comme toute réforme d’ampleur, apporter aux porteurs de projets des interrogations qui seront tranchées dans un domaine juridique déjà mouvementé.

Rappelons que cette réforme doit tirer les leçons de la double expérimentation de l’autorisation unique et du certificat de projet (Ordonnance n° 2014-356 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’un certificat de projet), et qu’elle n’est pas définitive, puisque ce régime, créé par le gouvernement, devra faire l’objet d’une ratification parlementaire par l’adoption d’une loi susceptible d’y apporter des modifications.

Notons d’emblée que les régimes déclaratifs (ICPE et IOTA) et d’enregistrement ICPE font également l’objet de modifications qui seront analysées en détail dans l’une de nos notes.

En attendant, présentons de manière synthétique les points saillants de cette réforme.

L’articulation avec les régimes ICPE et IOTA

Au sein du code de l’environnement, l’autorisation environnementale prend place au sein d’un nouveau titre VIII, ajouté au livre Ier « Dispositions communes » du code de l’environnement. Il s’agit des articles L 181- 1 à L 181-31 du code de l’environnement.

Le modèle de police administrative choisi est explicitement celui des autorisations ICPE et Eau (dites « IOTA »), puisque leurs dispositions sont, dans leur quasi-majorité, supprimées du code de l’environnement, et les titres qui leur sont consacrés, bien que maintenus, renvoient explicitement aux dispositions du nouveau titre VIII.

Certaines dispositions subsistent néanmoins : ainsi en est-il, en matière d’autorisations ICPE, des dispositions relatives aux arrêtés de prescriptions générales et à la remise en état. Cela peut apparaître au demeurant logique compte tenu du un principe d’application résiduelle des régimes spécifiques prévu au nouvel article L. 181-4.

En synthèse, le titre VIII du livre I (L181-1 et s.) propose un cadre général et il est renvoyé aux régimes spécifiques pour les dispositions particulières.

Malgré tout, cette survivance manque d’aboutissement puisque l’on constate parallèlement que le titre VIII contient également des dispositions spécifiques aux autorisations ICPE et IOTA, en ce qui concerne par exemple le contenu de la demande d’autorisation ou l’instruction administrative.

Ainsi, le porteur de projet devra désormais se référer d’abord au régime général de l’autorisation environnementale, puis se référer aux dispositions spécifiques de ce même régime, avant de vérifier les dispositions résiduellement applicables au sein du livre V du code.

On regrette déjà que malgré l’objectif de simplification assigné à la réforme, qui passe aussi par l’accessibilité des textes, ses auteurs n’aient pas choisi de présenter l’ensemble du cadre applicable à un seul endroit du code.

Un effort particulier de vigilance est donc de mise.

Les décisions susceptibles d’intégrer l’autorisation environnementale

L’autorisation environnementale constitue donc une autorisation ICPE ou IOTA qui peut intégrer, à la carte, selon les besoins du projet, les décisions administratives suivantes :

  • Absence d’opposition à déclaration d’installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au II de l’article L. 214-3 ou arrêté de prescriptions applicable aux installations, ouvrages, travaux et activités objet de la déclaration ;
  • Autorisation pour l’émission de gaz à effet de serre en application de l’article L. 229-6 ;
  • Autorisation spéciale au titre des réserves naturelles en application des articles L. 332-6 et L. 332-9 lorsqu’elle est délivrée par l’Etat et en dehors des cas prévus par l’article L. 425-1 du code de l’urbanisme où l’un des permis ou décision déterminés par cet article tient lieu de cette autorisation ;
  • Autorisation spéciale au titre des sites classés ou en instance de classement en application des articles L. 341-7 et L. 341-10 en dehors des cas prévus par l’article L. 425-1 du code de l’urbanisme où l’un des permis ou décision déterminés par cet article tient lieu de cette autorisation ;
  • Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° de l’article L. 411-2 ;
  • Absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000 en application du VI de l’article L. 414-4 ;
  • Récépissé de déclaration ou enregistrement d’installations mentionnées aux articles L. 512-7 ou L. 512-8, à l’exception des déclarations que le pétitionnaire indique vouloir effectuer de façon distincte de la procédure d’autorisation environnementale, ou arrêté de prescriptions applicable aux installations objet de la déclaration ou de l’enregistrement ;
  • Agrément ou déclaration pour l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés en application de l’article L. 532-3, à l’exclusion de ceux requis pour l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés couverte en tout ou partie par le secret de la défense nationale ou nécessitant l’emploi d’informations couvertes par ce même secret ;
  • Agrément pour le traitement de déchets en application de l’article L. 541-22 ;
  • 10° Autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité en application de l’article L. 311-1 du code de l’énergie ;
  • 11° Autorisation de défrichement en application des articles L. 214-13, L. 341-3, L. 372-4, L. 374-1 et L. 375-4 du code forestier ;
  • 12° Autorisations prévues par les articles L. 5111-6, L. 5112-2 et L. 5114-2 du code de la défense, autorisations requises dans les zones de servitudes instituées en application de l’article L. 5113-1 de ce code et de l’article L. 54 du code des postes et des communications électroniques, autorisations prévues par les articles L. 621-32 et L. 632-1 du code du patrimoine et par l’article L. 6352-1 du code des transports, lorsqu’elles sont nécessaires à l’établissement d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent.

C’est là le principal bienfait de cette réforme : rassembler les décisions en matière d’environnement en une unique procédure, avec un guichet unique.

L’exclusion des autorisations d’urbanisme semble malheureusement inévitable, pour une question de compétence : les permis de construire sont majoritairement délivrées par les maires (sauf cas de compétence préfectorale notamment en matière de production d’énergie), alors que les autorisations environnementales le sont par le Préfet.

C’est là la principale différence entre l’autorisation « unique » et l’autorisation « environnementale ».

Les développeurs éoliens ne perdent pas au change, eux qui pouvaient bénéficier de l’autorisation unique, puisque, nous le verrons, les projets éoliens ne sont plus soumis à permis de construire. En revanche, ceux d’installation de méthanisation ne peuvent plus bénéficier d’une procédure unique pour la construction et l’exploitation de leurs projets et auront donc pour les nouveaux sites, deux arrêtés préfectoraux a minima.

Les possibilités de dialogue avec l’administration

La pratique du certificat de projet est confirmée et généralisée.

Pour rappel, ce système, proche du certificat d’urbanisme, permet au porteur de projet de solliciter de l’administration qu’elle se prononce, en amont du dépôt de la demande, sur les régimes et procédures applicables, ainsi que sur les décisions nécessaires pour la réalisation du projet.

Est également confirmée la possibilité de coupler cette demande de certificat de projet avec

  • une demande de certificat d’urbanisme,
  • une demande d’examen au cas par cas de la soumission à étude d’impact
  • et l’avis de cadrage sur l’étude d’impact,

Cette possibilité de conjugaison devrait, si le jeu est joué pleinement par l’administration, permettre une véritable sécurisation juridique des demandes.

Dans le cadre de cette procédure de certificat de projet, et comme c’était déjà le cas dans l’expérimentation, l’administration et le porteur de projet ont la possibilité de contractualiser un calendrier de l’instruction qu’ils définissent, et qui vient se substituer aux délais réglementaires.

Un mécanisme de sanction est prévu : si l’administration commet une erreur dans le contenu du certificat de projet ou qu’elle méconnaît un délai, et qu’il en résulte un préjudice pour le porteur de projet, alors sa responsabilité peut être engagée.

Si cette idée est louable, espérons qu’elle ne rendra pas trop frileux les services concernés.

En revanche, il est bien précisé que le contenu du certificat ne peut être invoqué à l’appui d’un recours contre l’autorisation environnementale.

Doit également être notée la possibilité pour le pétitionnaire de diviser son projet en « tranches », simultanées ou successives, pour lesquelles il pourra obtenir des autorisations distinctes, une faculté qui aura une utilité certaine pour certains grands projets dont la réalisation se fait en plusieurs phases.

Un garde-fou est néanmoins prévu, mais dont la rédaction imprécise devrait créer un aléa jurisprudentiel : le découpage ne doit pas avoir pour effet de soustraire le projet à l’application du régime de l’autorisation environnementale, et doit présenter une « cohérence » environnementale.

 

La généralisation de la « phase d’examen »

Comme dans le régime de (feu) l’autorisation unique, une troisième « phase » est créée dans le cadre de l’instruction, avant celles de l’enquête publique et de la décision proprement dite : c’est la « phase d’examen ».

Lors de celle-ci, les services préfectoraux effectuent une pré-instruction du dossier, peuvent demander des compléments ou une régularisation au pétitionnaire, puis rendent une décision statuant – qui peut être implicite – sur la recevabilité « manifeste » du dossier.

Cet ajout procédural est bienvenu en ce qu’il va permettre, d’une part, aux pétitionnaires d’améliorer leur dossier en collaboration avec l’administration et, d’autre part, de soulager les services de demandes manifestement irrecevables.

En revanche, on s’interroge sur la rédaction des dispositions relatives à la décision du Préfet.

Alors que l’article L. 181-9 prévoit que le Préfet aura la faculté de demander au porteur de projet de compléter ou de régulariser son dossier, l’article R. 181-34, pris pour l’application de cette faculté, prévoit cinq cas dans lequel le Préfet est tenu de rejeter la demande d’autorisation environnementale :

  • Incomplétude ou irrégularité du dossier après demande de régularisation ;
  • Un avis défavorable qui lie le Préfet (« avis conforme ») est rendu ;
  • Il « s’avère » que l’autorisation ne peut être accordée dans le respect des intérêts protégés par l’autorisation (principalement des intérêts environnementaux, listés à l’article L. 181-3 et par renvoi, à l’article L. 181-4, mais beaucoup plus nombreux que ceux classiquement protégés par les polices ICPE et IOTA) ;
  • En cas de commencement de réalisation du projet alors que l’autorisation n’a pas été délivrée (c’est une résurgence de ce qui était déjà prévu dans le régime ICPE classique) ;
  • En cas d’incompatibilité « manifeste » du projet avec les documents d’urbanisme applicables, à moins qu’une procédure de révision, de modification ou de mise en compatibilité du document ait été engagée.

Cette obligation est audacieuse, car pour moins deux des cas d’obligation de refus, le non-respect des intérêts environnementaux et l’incompatibilité manifeste du projet avec le document d’urbanisme, exigent un premier contrôle de fond de la légalité de la demande.

Gageons que les tiers ne devraient néanmoins pas avoir intérêt à agir contre cette décision de « recevabilité », dont ils auront bien du mal à établir qu’elle leur porte préjudice. Notons au contraire que la possibilité de recours par le bénéficiaire à l’encontre de cette décision est explicitement reconnue et soumise à un contentieux de pleine juridiction, comme les autres décisions en matière d’autorisation environnementale.

Les innovations contentieuses

De nouveaux pouvoirs sont proposés au juge pour éviter l’annulation pure et simple de l’autorisation :

  • Le sursis à statuer en l’attente d’une régularisation par autorisation modificative, lorsqu’un seul moyen est fondé ;
  • La possibilité de maintien des effets des parties non viciées de l’autorisation lorsque seule l’une de ses parties est annulée ou fait l’objet d’un sursis à statuer.

Surtout, un nouvel outil est offert au juge : lorsque, là encore, un seul moyen peut porter et qu’il n’affecte qu’une « phase de l’instruction », ou qu’une « partie de l’autorisation », alors le juge peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononcer et demander à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité.

Notons également qu’à la mise en service de l’installation, en cas de nuisance réelle, les tiers disposent désormais d’une procédure formalisée leur permettant de porter une réclamation devant le Préfet, qui est tenu d’y répondre de manière motivée.

 

Assouplissement de l’exigence de démonstration des capacités techniques et financières

Le nouvel article D. 181-15-2 prévoit que la demande comporte une description des capacités techniques et financières que le pétitionnaire dont il dispose ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d’autorisation, les modalités prévues pour les établir.

Le Préfet doit désormais se prononcer au regard des capacités que le pétitionnaire « entend mettre en œuvre ».

Il reviendra enfin au pétitionnaire d’adresser, au plus tard à la mise en service de l’installation, des éléments justifiant de la constitution effective des capacités présentées.

Cette rédaction est évidemment à saluer, en ce qu’elle tient explicitement compte de la réalité juridique et économique des projets d’énergie renouvelable en particulier, portés par des développeurs ayant recours à des montages de « société projet » (structures dédiées auxquelles des capitaux sont apportés, une fois les financements bancaires obtenus, conditionnés dans l’immense majorité des cas par la purge des autorisations de construire et d’exploiter).

 

Eoliennes

A part la suppression de l’exigence du permis de construire, déjà évoquée et prévue par le nouvel article R. 425-29-2 du code de l’urbanisme, des évolutions touchent spécifiquement l’éolien.

Ainsi, le titre dédié aux éoliennes est abrogé dans le code de l’environnement, et celles sont réintégrées au régime des installations classées, en tant qu’installations particulières – comme les carrières –restant soumises aux dispositions qui leur sont propres, et qui sont simplement déplacées des articles L. 553-1 et suivants aux L. 515 et suivants.

Une analyse particulière des impacts du nouveau régime sera publiée prochainement.